Le rôle de l’Architecte dans l’ère post-carbone d’après Jeremy Rifkin

Lorsqu’un architecte décrit un projet, une partie du vocabulaire qu’il emploie est en réalité emprunté du domaine économique : “durabilité”, “exploitation”, “habitabilité”, etc.
Bien d’autres termes pourraient être cités pour témoigner du lien étroit entre Architecture et Economie, au-delà du simple coût de construction du projet. L’étymologie même du mot “économie” vient du grec ancien oikonomía qui signifie “gestion de la maison”. Oikos en grec ancien ne désignait pas simplement la maison en tant qu’édifice mais également le domaine dans lequel elle s’inscrit. L’ensemble des activités entre l’élément architecturé et son environnement sont intrinsèquement présentes dans oikonomía. Je ne développerai pas plus cette allusion dans cet article mais pour ceux qui sont intéressés, vous pouvez lire Economique, de Xénophon, qui présente à la fois l’art de bien gérer son domaine (oikonomikè) et l’art de commander.
Cette définition nous apprend toute fois que l’édifice n’est pas un élément isolé mais comme faisant parti d’un système, qu’il soit rural ou urbain. L’acte de construire a donc un impact direct sur ces réseaux organisés. Il est évidemment très difficile de mesurer l’impact direct d’une construction sur la dimension économique d’un système urbain, celui-ci étant très complexe, en perpétuelle évolution et aujourd’hui mondialisé.

Si l’on considère simplement le lien entre Economie et Architecture dans le sens où l’édifice a un impact sur le système dans lequel il s’inscrit, et l’Architecte comme disposant d’une capacité de synthèse comme outils de projet, il m’est apparu important de comprendre le système économique dans lequel nous évoluons actuellement et son fonctionnement, ainsi que de mettre des mots sur les changements économiques et sociaux que nous percevons.

EARTHSONG | crédits photo : AER

EARTHSONG | crédits photo : AER

Dans cette démarche, je souhaite vous présenter le livre de l’économiste américain Jeremy Rifkin, "La troisième révolution industrielle", qui expose une vision historique et prospective du système économique actuel. Sa vision prospective inclut une vision du parc immobilier de demain et  présente un certain nombre d’agences d’architecture au niveau international comme parties prenantes de cette réflexion.

L’expression “révolution industrielle” est communément utilisée pour qualifier une première période d'essor économique grâce à une période d’industrialisation de la fin du XVIIIème siècle jusqu’à la fin du XIXème siècle, puis une seconde de 1870-1913 caractérisée par l’essor de l’électricité, du pétrole, de la mécanique et de la chimie.


Après avoir mis en évidence qu’une révolution industrielle naît de la convergence d’une nouvelle technologie de communication et d’une nouvelle façon de produire l’énergie, Jeremy Rifkin expose sa vision d’une ère économique post-carbone, basée sur cinq piliers :

  • Passer de la consommation actuelle d’énergie fossile à une consommation d’énergies renouvelables,
  • Adapter le parc immobilier pour penser chaque immeuble comme une mini-centrale énergétique,
  • Développer et installer des équipements de stockage des excédents énergétiques produits grâce notamment à l’hydrogène,
  • Convertir le réseau électrique actuel en réseau intelligent et communautaire à l’image d’Internet,
  • Concevoir et mettre en circulation des modes de transport rechargeable n’importe où sur le réseau électrique intelligent.

Ces cinq piliers constituent le fondement de la troisième révolution industrielle,  rencontre entre Internet en tant que nouveau mode de communication, et la nécessité d’innover dans le domaine des énergies renouvelables face à l’amenuisement des énergies fossiles disponibles.

25VERDE | crédits photo : Beppe Giardino

25VERDE | crédits photo : Beppe Giardino

Le livre de Jeremy Rifkin est intéressant pour nous architectes car il dresse un portrait assez complet du système économique auquel nous appartenons et propose une vision d’une ère post-carbone dans laquelle nous serions pleinement acteurs et aurions un véritable rôle à jouer.

Après avoir contextualisé la création de notre système économique et identifié les différentes difficultés qui mettent à mal l’économie mondiale contemporaine, Jeremy Rifkin propose aux architectes de prendre à part à la troisième révolution industrielle notamment à travers la mise en place d’un système de production énergétique décentralisé, dont chaque bâtiment ferait partie. Il décrit les bâtiments comme des “mini-centrales” de production d’énergie renouvelable et propose la mise en réseau de tous ces éléments sur la base d’un système multi-nodal et interconnecté.

La troisième révolution industrielle de Jeremy Rifkin permet de penser autant la construction de bâtiments neufs que la réhabilitation des centres urbains déjà constitués, d’envisager des nouveaux matériaux, de nouveaux procédés de mise en oeuvre, et de concevoir de nouveaux espaces de vie, tant à l’échelle architecturale qu’urbaine.

La démarche de Rifkin n’est pas uniquement spéculative, puisque des équipes de réflexion comportant des architectes et des acteurs de la construction ont déjà été constituées, notamment à Rome. (Je vous invite à compléter la lecture du livre par le téléchargement du rapport ici.)

TRUDO VERTICAL FOREST | crédits photo : Stefano Boeri Architetti

TRUDO VERTICAL FOREST | crédits photo : Stefano Boeri Architetti

Vous pouvez également consulter les sites Internet d’agences d’architecture citées dans l’ouvrage, notamment Adrian Smith + Gordon Gill Architecture (Etats-Unis) et Boeri Studio (Italie).

Plusieurs entreprises de construction sont également nommées comme parties prenantes, notamment ACCIONA (Espagne) qui a développé un blog pédagogique et de partage sur le développement durable.


Enfin, sachez qu’un site est spécialement dédié à la présentation de la troisième révolution industrielle et que des initiatives basées sur la théorie de Jeremy Rifkin existent en France à l’échelle régionale comme Rev3 dans le Nord-Pas-de-Calais.

Crédits : Agathe Raguit @aer-architecture

Agathe Raguit