FOCUS | Visite de Totnes
Peut-on intervenir et inscrire un bâtiment, ou un ensemble bâti existant, dans un projet permaculturel ? Les villes et les bâtiments existants peuvent-ils répondre aux nécessités et exigences de demain ?
Ces questions me touchent particulièrement d’un point de vue professionnel. De plus, je suis beaucoup intervenue dans des projets de réhabilitation, sûrement aussi parce que je travaillais à Paris et que là-bas la question du patrimoine passionne la profession !
Toujours est-il que mon intuition est : qu'il va aussi falloir composer avec ce qui existe et notamment nos villes. On ne va pas pouvoir tous quitter les centres urbains pour aller vivre dans un eco-hameau (en caricaturant), et je suis profondément convaincue que la ville a encore beaucoup à nous offrir. Mais pour cela, il faut à mon sens déjà révéler ses potentiels et valoriser l'existant pour lui permettre de répondre aux grands enjeux contemporains.
C’est dans le cadre de ces questionnements que j’ai entendu parler de Totnes, dans le Devon (Grande-Bretagne).
En préparant ma visite, j’avais nourri quelques attentes … D’autant que celles-ci avaient trouvé un écho en découvrant ce fameux croquis représentant la ville (voir ci-dessus).
On y voit une représentation d’une ville ou d’un village assez commun mais une foule d’indices et de détails représente la dynamique de transition qui y est à l’oeuvre.
Car oui Totnes est connue pour être LA « ville en transition », ou TTT, mouvement fondé par Rob Hopkins en 2005. Je pensais donc en arrivant à Totnes, pouvoir observer l'impact que pouvait avoir ce genre d'initiatives sur la ville et les bâtiments, et tenter de percevoir si le phénomène pouvait concerner toute la ville.
Un endroit subtilement différent donc, parce que les interventions à différentes échelles depuis le début de la transition se seraient consolidées dans le temps, sans avoir un énorme impact visuel, par opposition par exemple d’une cheminée d’usine dans le paysage, véritable signal d’un changement de société en son temps.
Donc, si l’on peut dire, tout est la faute de ce croquis !
Et puis à Totnes ...
J’ai découvert une ville ancienne, avec son château normand construit à l’époque de Guillaume le Conquérant, surplombant la rivière Dart, au charme anglais non négligeable (surtout avec cette pluie si célèbre pour nous accueillir en été), un lacis de rues constitué par les maisons des riches commerçants de l’époque du XIe et XVIIe siècles ou encore l’arche marquant l’entrée dans l’enceinte fortifiée ... Bref beaucoup de choses mais pas de signe visible d’une forme de permaculture à l’échelle de la ville.
Là encore vous êtes surement entrain de vous demander pourquoi je vous fais une présentation digne d’un guide ou d’une page Wikipédia, mais en même temps, en vous promenant dans les rues de Totnes difficile de penser à autre chose !
Par contre, on comprend très vite pourquoi cette ville est aussi connue pour sa communauté New Age, et sa vie de bohème.
“On n’y voit rien !”.
C’est avec cette phrase malicieuse que notre guide TTT nous a accueilli et introduit la présentation de la ville en transition. Et pourtant, l’ambition de cette ville d’environ 8 800 habitants, est “ d'entrer en résistance contre le modèle basé sur la consommation d'énergies fossiles et de se préparer à la fin de ces ressources”. Théorisée et représentée par la figure de Rob Hopkins, professeur en permaculture, le mouvement de la Ville en Transition est soutenu par la commune et représente 200 à 300 militants, sans compter tous les bénévoles.
Par le parcours et la personnalité de Rob Hopkins, le lien avec la permaculture est évident. Pour plus d'informations à ce sujet, vous trouverez ici le lien vers une inerview en Français. Certains objectifs sont mesurables et quantifiables, notamment atteindre une autonomie énergétique pour la ville de 84% en 2030, viser l’autonomie l’alimentaire, ou encore limiter la création de déchets, ou les valoriser.
Mais au-delà du discours, de panneaux solaires installés sur le toit de bâtiments comme la mairie, la réalisation d’une centrale hydraulique sur la rivière ... Difficile de voir l’impact de toutes ces ambitions sur l’urbain.
Une grande partie des initiatives est invisible car être une ville en transition c’est changer l’écosystème global de cette ville à plusieurs niveaux, notamment économique.
Visiter Totnes avec une personne de TTT c’est finalement faire le tour d’entreprises qui sont
pensées au niveau local et rencontrer des entrepreneurs qui ont fédéré autour de leur projet une équipe de partenaires pour, par exemple, produire des farines à Totnes, en cultivant des céréals dans des champs à proximité de Totnes et en produisant les semences à Totnes.
Le mouvement de la ville en transition c’est aussi la capacité de soutenir ce genre d’initiatives et de mettre en réseau les compétences dans cet environnement.
Un bâtiment a été mis à disposition par la maison pour accueillir un coworking et un incubateur de TTT.
Un mapping a été réalisé par TTT pour recenser tous les potentiels et les chantiers à mener pour atteindre les différents objectifs menant vers une ville de l’aire post-pétrole, en terme de besoins et de marché potentiel. Par exemple, l’amélioration du confort de vie des habitants pour éradiquer les habitations précaires d’un point de vue énergétique a été estimée à 76 millions de pounds. Aujourd’hui, ce chantier n’a pas été ouvert. Il faudra donc revenir !
Des bruits de couloirs parlent également de la réalisation d’un éco-quartier mais nous n’avons pas pu obtenir d’informations concrètes à ce sujet. Affaire à suivre ...
Crédits : Agathe Raguit @aer-architecture