FOCUS | Visite de Earthsong avec Robin Allison
J’ai rencontré Robin Allison en août 2016, il a tout juste un an, à Earthsong.
Ici les voitures restent à l’entrée de la parcelle, des maisons en bois avec leurs toits en tôle ondulée sont posées dans un environnement verdoyant. Trente deux maisons sont organisées autour d’espaces communs structurant, porteur des valeurs d’échange et de partage pour la communauté. Pas de barrière, des cultures, une petite mare, un poulailler … Nous ne sommes pour autant pas à la campagne mais dans la banlieue d’Auckland, à quelques minutes à pied de la gare, au milieu d’un tissu pavillonnaire classique.
Earthsong n’est donc pas isolé, bien qu’il propose un mode de vie alternatif, tendant vers l’autonomie alimentaire et énergétique du lieu.
Visiter Earthsong me paraissait intéressant pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le quartier a reçu plusieurs prix d’excellence en terme d’éco-construction tels que le prix « Excellent Green Home Scheme » remis par « Building Research Association of New Zealand ».
D’autre part, ce projet est connu des néo-zélandais comme la première communauté fondée sur les principes du cohousing.
Quelles avaient donc été les solutions et les procédés de mis en oeuvre retenus ?
Cette démarche de recherche de qualité environnementale se limitait-elle à des procédés de mis en oeuvre architecturaux ?
Ou encore, quelles initiatives ont été mises en place à l’échelle de l’ensemble de la parcelle pour atteindre les objectifs du projet ?
Et enfin, quel(s) impact(s) une démarche de cohousing a-t-elle sur le projet architectural ?
Ma première surprise à Earthsong fut de constater que dans les maisons en bande d’Earthsong, tous les matériaux employés ne sont pas naturels (notamment les toits en tôles ondulées et le béton pour le sol et les fondations).
En effet, plutôt que de penser le projet d’un point de vue purement écologiste, une approche plus globale a été retenue, tendant plutôt vers une réflexion sur l’impact environnemental des matériaux choisis. Ainsi, le concepteur peut penser l’environnement économique, logistique et constructif dans lequel le projet s’inscrit. Même si le matériau en lui-même n’est pas le plus écologique, le fait qu’il soit disponible, produit sur place ou compatible avec les compétences et les savoir-faire locaux en font un matériau intéressant.
D’autre part, le budget était limité. Il a donc fallu faire des compromis pour que le projet s’inscrive dans une réalité économique et financière. Les objectifs du projet étaient avant tout d’offrir un espace de vie communautaire de qualité, sain, ayant un impact limité sur l’environnement, tendant vers l’autonomie alimentaire et énergétique.
Concrètement, cela signifiait tirer parti des énergies présentes sur le site, apporter un confort thermique dans les habitations tout au long de l’année, utiliser l’eau de pluie plutôt que l’eau de ville, limiter les déchets grâce notamment au recyclage et compostage, chauffer l’eau sanitaire grâce à des ballons solaires, proposer des espaces de cultures privés et communs, limiter la circulation automobile, planter une variété importante de végétaux, gérer les eaux de ruissellement sur le site, ou bien encore favoriser le partage entre tous grâce à la mise en commun d’équipements, de compétences et d’espaces.
De plus, le projet d’Earthsong étant basé sur le concept du cohousing , le projet a pu être pensé de façon global, puisque le concept se veut une réponse autant aux défis environnementaux contemporains que sociaux et économiques.
Ainsi, le cadre de vie proposé a pu être pensé de façon globale par Robin, sans distinction classique entre « espaces architecturés construits » et « espaces extérieurs paysagers ».
Pourtant, Earthsong n’est pas une communauté fermée et toutes les générations sont représentées.
La vie en communauté est assurée par l’implication des habitants aux prises de décision. Chacune étant collective, elle ne peut être adoptée qu’après avoir été votée à l’unanimité. Un système de communication et d’organisation spécifique a été mis en place pour que chacun se sente concerné et puisse s’exprimer.
Mais un travail spatial a également était mené afin de respecter l’intimité de chacun des habitants. Ainsi, malgré la densité et la proximité des maisons entre elles, un jeu de typologies des maisons et de glissement des habitations les unes par rapport aux autres permettent à chacun de se sentir chez soi. Il en va de même pour les jardins : un espace commun est à disposition et géré par tous mais chaque maison est également associée à un jardin privé. Les jardins communs sont principalement organisés autour de la maison commune, le coeur de la vie en communauté offrant plusieurs services communs et des espaces de réunions.
D’un point de vue plus personnel, le concept de cohousing et la réalisation du projet d’Earthsong, ont permis à Robin de réinterroger sa pratique professionnelle. Aujourd’hui elle se définit d’ailleurs comme « non-architecte » et met à disposition son expérience pour aider les porteurs de projets similaires à aller au bout de leur démarche.
C’est une fois de plus cette pensée globale et transdisciplinaire de Robin pour apporter des solutions concrètes répondant aux différents défis de notre société contemporaine, qui font d’Earthsong un projet inspirant pour AER et notre pratique d’architectes.
Crédits : Agathe Raguit @aer-architecture