FOCUS | Visite de Brachoua avec Mohamed Chaoubi

Grâce à mon intérêt pour les jardins et le monde végétal en général que j’ai découvert la permaculture comme outils de conception permettant de penser le tout et notamment une gestion éco-responsable de nos projets.
Visiter Brachoua, village marocain à une cinquantaine de kilomètres à l’Est de Rabat, était très intriguant pour moi car j’avais pu constater que les procédés permaculturels en milieu tempéré étaient efficaces mais qu’en était-il dans un milieu montagneux où l’eau est beaucoup plus rare ?

Pour plus d’informations sur la permaculture, je vous invite à consulter le site de l’Université Populaire de Permaculture ou mon précédent article sur les liens entre architecture et permaculture.

Sur place j’ai été accueilli par Mohamed, un habitant natif du village, qui m’a guidé et parlé des différents défis que Brachoua a dû relever pour devenir un village géré de façon permaculturelle. C’est d’ailleurs son parcours personnel qui a mené les 60 familles du village en 2013 à s’engager dans cette démarche.

VILLAGE MONTAGNARD A 50KM DE RABBAT | crédits photo : AER

VILLAGE MONTAGNARD A 50KM DE RABBAT | crédits photo : AER

L’histoire de Mohamed commence comme tant d’autres au Maroc. Après avoir grandi dans le village de Brachoua, bercé par le rêve d’aller en ville ou à la capitale dans l’espoir d’une vie meilleure, il s’exile de son village natal. Lorsqu’il croit voir son rêve se réaliser, la désillusion est immédiate : il enchaîne les petits boulots pour devenir chauffeur routier et s’installe dans des quartiers défavorisés ne pouvant envisager d’autres conditions.

Une partie de son salaire est envoyée à sa famille. Et lorsqu’il parle de sa vie “citadine”, il entretient le mythe et occulte sa précarité.

Jusqu’au jour où il n’en peut plus et décide de rentrer à Brachoua.

Il prend du recul sur cette situation et s’aperçoit que le cadre de vie offert par son village, bien que pauvre, est plein de potentiels et que cette illusion d’une vie citadine meilleure pousse les jeunes à partir. À tord.

Il décide de parler de son expérience et crée une association pour favoriser l’accès à l’école des enfants de la campagne. Des initiatives sont aussi mises en place pour créer des activités avec les enfants en dehors de l’école.

Il souhaite alors aller plus loin dans sa démarche et tirer parti de la vie à la campagne au Maroc : il s’intéresse alors à plusieurs mouvements tel que le Slow Food pour finalement participer à une formation en permaculture à Marrakech organisée par Bernard Alonso.

Convaincu de l’opportunité que représente la permaculture pour Brachoua, il applique les principes enseignés à son propre potager et s’engage dans un travail de pédagogie et de transmission auprès des autres habitants du village. Aujourd’hui tous les habitants ont basculé dans un mode gestion durable pour être autosuffisants en légumes.
Des arbres fruitiers étaient arrivés lors de notre rencontre mais pas encore plantés.
L’autosuffisance fruitière devrait être atteinte dans environ cinq ans.

VILLAGE DE BRACHOUA | crédits photo : AER

VILLAGE DE BRACHOUA | crédits photo : AER

JARDIN DE MOHAMED | crédits photo : AER

JARDIN DE MOHAMED | crédits photo : AER

MAISON EN PISE DE MOHAMED | crédits photo : AER

MAISON EN PISE DE MOHAMED | crédits photo : AER

Ces initiatives sont également soutenues par l’association Ibn al-Baytar, qui développe des projets de coopérative agricole (elle est notamment subventionnée par la principauté de Monaco, le British Council, et des ambassades européennes au Maroc). Ce soutien a également permis d’étoffer la dimension sociale du projet.

Des réunions ont été organisées où les femmes étaient invitées à participer pour prendre part pleinement à la réorganisation du village.
Si vous souhaitez en savoir plus sur ce point, vous pouvez consulter cet article.

Aujourd’hui Brachoua est synonyme d’espoir et  de réussite économique. C’est incontestable : en plus d’être autosuffisantes, les familles vendent également leurs surplus de production.
Le village s’est ouvert au tourisme et au wwoofing, cherchant à enseigner par l’exemple que la vie à la campagne peut être agréable et l’exode rurale massive pas une solution.

La permaculture a offert à Mohamed une structure pour repenser l’organisation de la production vivrière du village mais également le moyen de redécouvrir des modes constructifs traditionnels comme la fabrication de brique constituées de boue et de paille.

C’est cette pensée globale et transdisciplinaire pour apporter des solutions concrètes en répondant aux différents défis d’une communauté, que le processus mis en place par Mohamed à Brachoua en fait un projet inspirant pour AER et notre pratique d’architectes.

INVITATION A PRENDRE LE THE | crédits photo : AER

INVITATION A PRENDRE LE THE | crédits photo : AER

FABRICATION DE LA SEMOULE | crédits photo : AER

FABRICATION DE LA SEMOULE | crédits photo : AER

RIEN NE SE PERD | crédits photo : AER

RIEN NE SE PERD | crédits photo : AER

Crédits : Agathe Raguit @aer-architecture

Agathe Raguit